Souffrance au travail : Quelle est la responsabilité de l’employeur ?

RPS et responsabilité de l’Employeur

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RPS responsabilité employeur

En 2016, la France présentait l’un des niveaux de stress au travail les plus élevés dans l’Union européenne (Rapport ESENER). Absentéisme, démotivation, turn-over… la souffrance au travail lui coûterait 3 % à 4 % de son PIB, ce qui en fait, outre une question de santé publique, un enjeu économique majeur pour les entreprises.

Pourtant, seuls 15% des patrons de TPE et PME se disent soucieux des questions de santé et de sécurité. Cela est d’autant plus hasardeux que la responsabilité de l’employeur est systématiquement engagée toutes les fois qu’il ne démontre pas avoir pris les mesures appropriées à la prévention des risques psychosociaux (RPS).

L’obligation de prendre les mesures utiles à la prévention des RPS

L’obligation de l’employeur de veiller à la sécurité et à la protection de la santé de ses salariés est une obligation légale résultant des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

La jurisprudence a évolué et l’« obligation de sécurité de résultat » a pris un nouveau sens.

Dans un arrêt « Air France » du 25 novembre 2015, un personnel navigant, victime d’un syndrome de stress post-traumatique consécutif aux attentats du 11 septembre 2001, reprochait à son ancien employeur de ne pas avoir pris les mesures nécessaires à la protection de sa santé psychologique.

La cour d’appel ayant constaté que l’employeur avait « pris en compte les événements violents auxquels le salarié avait été exposé » en faisant « accueillir celui-ci, comme tout l’équipage, par l’ensemble du personnel médical mobilisé pour assurer une présence jour et nuit et orienter éventuellement les intéressés vers des consultations psychiatriques », la Cour de cassation a considéré qu’elle avait pu en déduire « l’absence de manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat » et qu’elle avait, de ce fait, légalement justifié sa décision.

Le « résultat » attendu n’est donc plus l’inexistence d’une atteinte psychique ou physique mais l’accomplissement des mesures destinées à la prévenir.

Plus récemment encore, la Cour de cassation a renoncé à qualifier de « résultat » l’obligation de sécurité et de protection de la santé de l’employeur tout en jugeant que la cour d’appel devait s’assurer que toutes les mesures de prévention imposées par la loi avaient été prises.

Pour être exonéré de sa responsabilité, l’employeur pourra démontrer qu’il a accompli toutes les diligences prévues aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

Les tribunaux se réservent le pouvoir d’apprécier l’efficacité des mesures prises, quitte à s’immiscer dans le pouvoir de direction de l’employeur tout en lui imposant de développer une réelle compétence en matière de santé et de sécurité au travail, qui suppose en matière de prévention des RPS, de connaître les facteurs de risques et de disposer des outils propres à les évaluer.

Recommandations en matière de prévention des RPS

1° Identifier les RPS et en tenir en compte dans le document unique d’évaluation des risques (DUER)

Des conditions de travail et des styles de management inappropriés peuvent engager la responsabilité de l’employeur. La Cour de cassation juge qu’au-delà des agissements répréhensibles mais isolés d’un être pervers, « peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en œuvre par un supérieur hiérarchique ».

La notion même de « risques psychosociaux » oblige donc l’employeur à repenser l’organisation et les méthodes de travail au sein de son entreprise. Son attention doit, en particulier, porter sur les facteurs de risques identifiés par l’INRS tels que :

- l’intensité de travail, les horaires imprévisibles, l’existence d’objectifs irréalistes, les exigences excessives de polyvalence…

- le manque d’autonomie du salarié ;

- la dégradation des rapports sociaux ;

- l’insécurité : la peur de perdre son emploi ou son niveau de salaire, le changement non maîtrisé des conditions de travail, les restructurations…

2° Disposer d’outils adaptés pour évaluer utilement les risques

Les rapports des médecins ou des psychologues du travail, des cabinets d’audit spécialisés, de même que l’envoi de questionnaires spécifiques aux salariés, la constitution d’un « guichet des réclamations » ou d’une cellule de veille constituent autant d’outils d’aide à la rédaction du DUER.

3° Élaborer un plan de prévention des RPS

Une fois le diagnostic préalable effectué, l’employeur doit élaborer un plan de prévention.

Ce plan peut contenir :

- des actions de sensibilisation et de formation des managers à la souffrance au travail sous toutes ses formes, aux facteurs de risques et aux outils de prévention ;

- des actions de protection collective concernant la réorganisation du travail, la redéfinition des responsabilités de chacun, l’amélioration de la communication sur la stratégie de l’entreprise, la facilitation des échanges entre les collaborateurs… ;

- des actions de prévention individuelle destinées à la prise en charge des salariés en souffrance (dispositifs d’alerte, d’accompagnement, etc.).

4° Impliquer les institutions représentatives du personnel

La prévention des RPS suppose un travail d’équipe avec les délégués du personnel, les syndicats, le CHSCT et les services de santé au travail. Là, comme ailleurs, le dialogue social est indispensable.

Si elle ne l’exonère en rien de sa responsabilité, cette coopération des IRP assure une meilleure efficacité des actions prévues et démontre la sincérité de sa démarche.

5° Cas particulier des plus grandes structures, le DRH peut être sanctionné en cas de passivité vis-à-vis des RPS

Ainsi, un responsable des Ressources Humaines d’un magasin de grande distribution, est licencié pour faute. L’employeur lui reproche son inertie face aux méthodes de management du directeur du magasin, qualifiées d’inacceptables. Le salarié conteste son licenciement en faisant valoir, d’une part, que les faits de harcèlement moral des employés du magasin ne lui sont pas personnellement imputables et, d’autre part, que son inertie résulte d’un manquement de la société employeur qui n’aurait pas mis en œuvre les moyens organisationnels qui lui auraient permis de dénoncer ces faits.

Ces arguments sont rejetés par la Cour de cassation qui, au terme d’une analyse détaillée des faits reprochés au salarié, juge qu’ils caractérisent une cause réelle et sérieuse de licenciement. Ainsi, la Cour indique que le salarié:

- avait une parfaite connaissance du comportement reproché au directeur du magasin, avec qui il travaillait en étroite collaboration ;

- n’a rien fait pour mettre fin à ces pratiques alors qu’en sa qualité de responsable RH, « expert en matière d’évaluation et de management des hommes et des équipes », il relevait de ses fonctions de veiller au climat social.

Pour les juges, en cautionnant les méthodes managériales inacceptables du directeur du magasin et en les laissant perdurer, le salarié a manqué à ses obligations contractuelles et a mis en danger la santé physique et mentale des salariés.

A noter : La protection de la santé des salariés est un argument auquel les juges sont sensibles. La Cour de cassation a récemment jugé qu’un salarié ayant réitéré insultes et agressions verbales à l’égard de ses collègues pouvait être licencié pour faute grave, l’employeur ne pouvant prendre le risque que ces derniers soient à nouveau exposés à un tel comportement pendant la durée du préavis (Cass. soc. 19-1-2017 n° 15-24.603 F-D).

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Patrick Ducloux
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